Ouvrir des espaces de dialogue pour la jeunesse

Entrevue avec Audrey Brunette et Zoé Caravecchia-Pelletier
Par Pauline Dufour | 18 août 2021
En mai dernier, le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence et LOVE (Québec) ont uni leurs expertises dans le cadre de la « Journée internationale du vivre-ensemble en paix » pour animer un atelier de sensibilisation auprès des élèves de l’École secondaire Louis-Riel. À travers le visionnement d’un court-métrage et la pratique du dessin, ces derniers ont pu s’exprimer sur des sujets parfois délicats tels que la radicalisation, la violence, la haine, etc. Briser le cycle de la violence chez les jeunes étant l’essence même de la mission de LOVE (Québec), nous avons voulu savoir comment cet organisme implanté depuis 28 ans développe la résilience, le leadership et la confiance des jeunes en difficulté. Pour cela, nous avons échangé avec deux membres de l’équipe.
« LOVE (Québec) créé des espaces de dialogue pour ouvrir la discussion. Ce sont des espaces sécuritaires pour que les jeunes soient capables de partager, et pour que nous puissions comprendre d’où proviennent leurs douleurs, leurs blessures et parfois leur haine. »
Audrey Brunette, directrice de la programmation
Pour commencer, quels sont vos rôles au sein de l’organisme ?
Audrey Brunette : Depuis le début du printemps, j’occupe le rôle de directrice de la programmation. J’ai aussi été coordonnatrice durant les trois dernières années. Mon rôle concernait l’animation des programmes et l’offre des clubs qui sont constitués de 24 ateliers. Ceux-ci sont un mélange d’apprentissages de la photographie, de l’écriture, mais aussi de discussions sur des thématiques qu’on n’aborde pas nécessairement dans le milieu scolaire. En tant que directrice des programmes, je donne encore des ateliers, mais je m’occupe davantage du développement des curriculums et de la supervision de l’équipe.
Zoé Caravecchia-Pelletier : J’ai commencé comme stagiaire chez LOVE (Québec) à l’automne 2020 et je suis officiellement devenue coordonnatrice des programmes ainsi qu’intervenante en sexologie à la mi-juin de cette année. Mes tâches consistent à planifier, animer, évaluer, puis modifier nos programmes. Je prépare et je planifie également les ateliers de sexologie.
Est-ce que tous les jeunes ont accès à LOVE (Québec) ? Qui sont les jeunes qui bénéficient de vos programmes ?
Audrey : Le plus grand bassin de jeunes provient des écoles où l’on anime des ateliers de sensibilisation. Souvent, ce sont des jeunes entre 14 et 15 ans qui sont sollicités pour débuter les programmes. La participation aux ateliers est complètement volontaire. De plus, les jeunes qui ont des difficultés et qui veulent partager viennent vers nous, car l’école n’a pas suffisamment d’intervenant.e.s pour offrir ce type de services. Au début, l’organisme a été créé pour aider les auteurs de violences. La violence et la haine étant des thématiques importantes, on s’est rendu compte qu’il y avait beaucoup plus de gens qui avaient besoin de nos services, pas seulement les jeunes délinquants.
Quelles sont les stratégies que vous utilisez ou que vos intervenant.e.s utilisent auprès des jeunes ?
Audrey : Les stratégies varient beaucoup d’un milieu à l’autre. Personnellement, ma stratégie consiste à créer un lien de confiance pour donner au jeune la chance de s’exprimer. D’abord, j’ai une approche qui est empathique. J’essaie d’être dans une position d’écoute et de ne pas m’imposer comme l’experte qui va tout lui apprendre. Quand j’entends des propos plus discriminatoires, je fais de la sensibilisation tout en restant informelle. Le fait d’être informel est très important, même dans les contextes qui sont plus magistraux comme dans les écoles, car le lien de confiance se fait plus facilement ainsi.
Quels ont été les défis rencontrés pour (re)connecter avec les jeunes pendant la pandémie ?
Audrey : On s’est mis à rentrer en contact avec les jeunes sur Instagram. Chaque intervenant.e a un compte Instagram professionnel, ce qui lui permet de prendre des nouvelles et de rester accessible si les jeunes veulent lui écrire. Les jeunes étant souvent plus à l’aise avec la communication via les réseaux sociaux, cette mesure a permis de toucher une plus grande diversité de jeunes. On a pu intervenir à distance avec ceux qui étaient en grande détresse.
Que faites-vous pour éduquer les jeunes par rapport à l’influence des réseaux sociaux sur les relations sexuelles ou la sexualité ?
Zoé : Les réseaux sociaux peuvent créer et entretenir des mythes par rapport aux relations sexuelles, à la virginité ou d’autres mythes liés au corps de façon générale. Notre but, c’est de déconstruire ces mythes à travers nos ateliers de sexologie et à l’aide de nos boîtes à questions qui visent à répondre aux interrogations et aux préoccupations des jeunes. On a fait beaucoup de sensibilisation par rapport à la violence sexuelle sur les réseaux sociaux, notamment à propos de la « sextorsion » et du partage de photos intimes. Nous voulons conscientiser les jeunes sur les risques et les impacts de telles actions, mais surtout sur leurs droits afin qu’ils développent une vision plus éclairée de la sexualité.
LE SAVIEZ-VOUS ?
La sextorsion est « une forme de chantage. C’est quand un internaute menace d’envoyer une photo ou une vidéo intime de toi à d’autres personnes si tu refuses de lui envoyer de l’argent ou d’autres images intimes. »
Source : Centre canadien de protection de l’enfance. (2021, 15 septembre). La sextorsion. Cyberaide.ca. https://www.cyberaide.ca/app/fr/internet_safety-sextortion
Comment le travail de LOVE (Québec) permet aux jeunes d’aller au-delà de la haine ?
Audrey : LOVE (Québec) crée des espaces de dialogue pour ouvrir la discussion. Ce sont des espaces sécuritaires pour que les jeunes soient capables de partager, et pour que nous puissions comprendre d’où proviennent leurs douleurs, leurs blessures et parfois leur haine. Souvent, il s’agit de leur expliquer que la haine peut provenir de situations, d’expériences ou de drames passés. Après s’être exprimés, les jeunes se sentent mieux et plus en confiance. C’est à ce moment qu’on oriente la discussion vers quelque chose de plus positif et qu’on propose des outils adaptés qui peuvent les aider dans leur développement personnel.
Zoé : En tant qu’intervenante, j’ai un peu une déformation professionnelle parce que je reviens toujours au concept d’éducation. J’ai l’impression que par l’éducation, on peut développer un travail de prévention. Plus précisément, il y a la prévention des comportements discriminatoires et haineux, mais aussi la promotion de quelque chose de plus positif. Ne pas simplement dire « Ne faites pas ça », mais offrir des pistes de réflexion pour promouvoir des relations plus saines, des rapports égalitaires et équitables. Tout passe par une éducation représentative de toute la complexité que la haine représente dans une société, c’est-à-dire à travers une vision intersectionnelle.
Pour plus d’informations sur LOVE (Québec) et ses programmes, visitez le site Web : https://loveorganization.ca/qc/fr/