À toi, ma meilleure amie

Mon premier souvenir de toi, c’est dans la cour d’école, au primaire. Du jour au lendemain, tu es devenue ma grande complice. C’est comme si je t’avais toujours connue.

De l’âge de 6 à 17 ans, tu étais là, tout le temps. Au primaire comme au secondaire, on faisait tout ensemble. Nous arborions chacune notre collier de « best friend », un pendentif en tube contenant un grain de riz sur lequel était inscrit le nom de l’autre, que nous avions fait graver sur un coup de tête en se trouvant d’un ridicule pas possible. Pendant des années, j’ai eu ton nom accroché à mon cou. Ma meilleure amie, mon refuge, my all.

Puis, à 17 ans, en recherche d’un sens plus profond à ma vie, je me suis mise à me poser des questions. Beaucoup de questions. Des questions sur le sens de mon existence, sur les raisons du pourquoi de notre vie sur terre. Des questions qui m’ont fait prendre un tournant vers la spiritualité, le New Age, puis la santé alternative. Au fil de mes études et de mes rencontres avec des gens baignant dans ces sphères, j’ai développé une forte méfiance envers le discours traditionnel. Je me suis sentie devenir consciente d’une réalité cachée, j’ai eu l’impression d’accéder à un savoir destiné aux personnes éveillées. C’est ainsi que toi, amie précieuse, tu es devenue mouton endormi à mes yeux.

Soudainement, tu n’étais plus à la hauteur de ce à quoi j’aspirais. Je travaillais pour mon âme, à m’élever en lumière, à forger mon Être pour son éternité. J’avais compris des choses que tu n’avais pas comprises, et je ne pouvais pas me laisser tirer vers le bas par toi. Pour maintenir ma fréquence élevée, je me devais de m’entourer de gens œuvrant consciemment à se détacher de la masse endormie.

Dans les années qui ont suivi, je me suis tissé un cercle social autour d’une appartenance commune à un « savoir » alternatif. Celles et ceux qui savaient que nous étions manipulé∙e∙s par une élite reptilienne tentant d’instaurer le Nouvel Ordre Mondial, qui savaient que tout était organisé par des ficelles tirées au-dessus de nous, petit peuple de marionnettes. Ces personnes, je les percevais comme éveillées. Nous marchions ensemble dans un but commun, plus grand que nous : celui de libérer l’humanité.

J’avais donc entrepris de me donner corps et âme à cette mission. Celle-ci exigeait de moi des changements drastiques : méditation sonore quotidienne, alimentation vivante (crue), vie en conscience. J’avais pris contact avec mon guide intérieur, mon intuition, et mis de côté l’énergie du mental. Je rejetais en bloc mon mode de vie de jadis. La politique était un écran de fumée. Les institutions, des fausses représentations de pouvoir. La science, corrompue. L’université, endroit d’endoctrinement. Si les médias disaient noir, je pensais automatiquement blanc. Mon but était alors de réfléchir et d’agir à l’encontre du discours populaire, loin de la masse endormie, toujours. Voir plus loin. Chercher le vrai.

« ‘sti que t’es influençable… »

Ô combien de fois m’as-tu dit ça.

La soirée qui aura sonné une longue pause dans notre relation est celle où j’ai jugé tes choix à voix haute. Je t’ai fait un discours moralisateur sur l’effet de l’alcool sur ton cerveau. Je t’ai fait sentir que moi, j’étais meilleure, en ayant choisi de vivre, entre autres, sans alcool.

S’en sont suivi plusieurs années de distance. Il m’aura fallu déconstruire tout un monde de croyances, sortir d’un cadre idéologique d’une extrême résistance pour réaliser à quel point j’avais balayé du revers de la main des personnes importantes pour moi. Pendant cette année de déconstruction, tout le tort que je nous ai fait est remonté à la surface. Je m’en suis voulu d’avoir été si méchante avec toi, bien malgré moi.

Mais tu n’as jamais fermé la porte. J’écris ces mots quelques semaines suivant l’anniversaire de mes 37 ans, fête que j’ai célébrée à tes côtés. Fidèle à toi-même, tu m’as fait sentir que notre amitié vaut de l’or pour toi, en me célébrant une fin de semaine durant.

Je peine à croire que je me suis passée de notre belle complicité pendant près de 15 ans. Merci, chère amie, d’avoir attendu mon retour.

Soso xx

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

MIEUX COMPRENDRE LES MESSAGES ERRONÉS ASSOCIÉS À LA RADICALISATION, C’EST EN PARLER AUTREMENT ! 
MIEUX COMPRENDRE LES MESSAGES ERRONÉS ASSOCIÉS À LA RADICALISATION, C’EST EN PARLER AUTREMENT ! 
haut de la page
Close