Quand le mentorat prend tout son sens

Par Catherine Bérubé | 27 août 2021

Pour éviter que des personnes qui traversent des problématiques personnelles ne basculent dans l’extrémisme ou la haine, le Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence (CPRVM) mise sur le mentorat. « Une présence pour tous » est le programme de mentorat déployé au Québec en avril 2021 pour offrir une présence à celles et ceux qui souhaitent en bénéficier. En jumelant des mentors bénévoles et des mentoré.e.s, le CPRMV espère que des relations significatives à bénéfices multiples puissent s’établir. Nous nous sommes entretenus avec deux participants sur leur expérience depuis la mise en œuvre du programme.

Michaël, mentor, est convaincu que le programme permet d’aller au-delà de la haine. Selon lui, la haine fait partie d’une tension sociale palpable mondialement, surtout depuis la pandémie. « L’expérience de mentorat, justement, ça demande de se mettre dans un état d’esprit complètement différent, voire contre-intuitif, par rapport à l’automatisme qu’on peut avoir en ce moment en société : soit d’être cynique, de ne pas croire en l’humanité ou de ne pas croire au bon côté de l’être humain », note Michaël.

Ce dernier a senti le besoin de s’impliquer comme un appel du cœur. Toujours à l’affût de l’actualité sur le net et face à un certain sentiment d’inutilité pendant le confinement, Michaël y a vu l’opportunité de s’engager et de contribuer au bien-être de la société. « J’ai une tendance à vouloir aider naturellement tout le monde. Dans ce programme-là, j’ai eu l’invitation à déployer cette qualité et je pense que c’est la meilleure manière de canaliser cette envie de donner de soi », confie-t-il.

Pour notre second interlocuteur, connu sous le pseudonyme de Fou du Roy, « c’est plus qu’un programme ». Le mentorat lui a permis de développer une relation qu’il aurait jugé incongrue par le passé : « Je suis en train de développer une amitié, quelque chose de sincère que je n’ai jamais eu dans ma vie ». Auparavant membre de groupes haineux, le Fou du Roy a décidé de se donner une seconde chance et bénéficie aujourd’hui d’une présence rassurante : un mentor sur qui il peut désormais compter.

« C’est plus qu’un programme : je suis en train de développer une amitié, quelque chose de sincère que je n’ai jamais eu dans ma vie »

Fou du Roy

L’effet de la pandémie

« Une présence pour tous » a débuté en pleine pandémie de COVID-19, ce qui a eu des répercussions sur son déroulement. Les rencontres mentor-mentoré.e, qui devaient initialement avoir lieu en personne, se sont déroulées par téléphone et virtuellement. Contre toute attente, cet imprévu a été vécu de façon positive par les participant.es.

Plus précisément, l’utilisation du téléphone et des plateformes de visioconférence a permis aux personnes impliquées dans le programme de ne pas porter de jugement basé sur l’apparence physique. « Le fait qu’on ait eu des rencontres téléphoniques, qu’on ait appris à se connaître d’abord par la voix et après en vidéoconférence, je trouve que ça a fait qu’on a peut-être été plus ouverts », indique le Fou du Roy. Michaël abonde dans le même sens : « Je pense que cela a apporté le fait de ne pas pouvoir porter de préjugés ». D’ailleurs, les deux hommes sont d’avis que ces technologies de l’information et de la communication devraient être maintenues pour les prochaines cohortes du programme de mentorat.

La force du lien

Malgré leurs parcours différents, une relation d’égal à égal s’est bâtie entre Michaël et son mentoré : « C’est enrichissant de voir qu’on peut se parler et se comprendre même entre gens différents. Ça compte beaucoup pour moi. C’est un lien qui est vraiment inusité dans ma vie et j’avais envie de ça. Je savais que j’étais capable de le faire ».

La similitude de leurs traits de personnalité aurait contribué à la réussite du jumelage. Michaël décrit son mentoré comme une personne très engagée, allumée et curieuse. « C’est quelqu’un avec qui je peux m’entendre dans la vie courante : [il est] vraiment sympathique et j’ai très envie de continuer à le côtoyer », confie-t-il.

Quant’ au Fou du Roy, il nous a avoué qu’il a « toujours hâte de parler » à son mentor. « C’est vraiment comme si je parlais à un chum de longue date », affirme-t-il. Son « chum » dans le programme de mentorat aurait des qualités qui rendent leurs échanges particulièrement fluides et agréables, comme le fait qu’il soit d’une oreille attentive, rieur et ait une bonne conversation.

Rapport à la masculinité

Le programme de mentorat donne l’occasion aux participant.es d’ouvrir le dialogue sur des enjeux ou des questionnements d’ordre sociaux, religieux, politiques, identitaires et idéologiques. La masculinité fait partie des sujets de discussion abordés par le Fou du Roy avec son mentor. Il a toujours ressenti une certaine rivalité avec les hommes de son entourage. Tisser de bonnes relations avec des personnes de même sexe est désormais possible grâce à cette expérience. « Les gars proches de moi m’ont souvent fait du mal. Alors, pour moi, d’avoir quelqu’un de significatif qui est un gars, c’est beaucoup dans ma vie […] J’apprends à faire confiance, je me rends compte   que c’est possible d’avoir un ami vraiment sincère. C’est une relation solide qui se développe », souligne-t-il.

Michaël nous a aussi donné son opinion sur le sujet et croit qu’il y aurait « différentes masculinités et différentes manières de l’exprimer dans la société ». Pour lui, le mentorat permet de partager des émotions positives et de sortir des stéréotypes masculins souvent réducteurs.

Un engagement bénéfique

Contribuer au changement positif, voilà ce que Michaël souhaite réaliser par son implication bénévole. Il espère tirer son mentoré « vers quelque chose de positif et vers son envie de s’engager dans la société pour lutter contre la radicalisation ». Le programme « Une présence pour tous » offre non seulement un accompagnement individuel, mais aussi une occasion de « s’engager pour que la société soit meilleure », a conclu le mentor lors de notre entretien.

Le programme de mentorat du CPRMV est financé par Sécurité publique Canada . Pour plus d’informations sur le programme de mentorat du CPRMV, visitez le site Web : https://info-radical.org/fr/accompagnement/mentorat/   

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